Kool Food
Kool Food

Dans l’antre de Kool Food situé à Lissasfa (banlieue de Casablanca), l’activité tourne à plein régime. Barres de chocolat, tablettes, dragées, crème à tartiner … Les équipes veillent à ce que tous les produits sortant des lignes de production soient parfaits. L’état d’esprit est à la sérénité : « Nous espérons sortir du redressement judiciaire en décembre 2022. N’eût été la crise sanitaire, on aurait pu y arriver beaucoup plus tôt », explique Anas Lahlou, PDG de la société.

Une renaissance. En effet, l’entreprise était passée dans un temps très court du statut de PME très prometteuse à une zone de turbulences qui a failli l’emporter. Retour en arrière.

Créée en 2010 par Anas Lahlou, à l’époque importateur de produits de grande consommation, Kool Food avait démarré sur les chapeaux de roues. Le chiffre d’affaires a progressé très rapidement, porté par une forte demande sur le segment des produits à « un dirham », principalement destinés aux enfants. L’horizon est dégagé.

 

Le partenaire financier était trop pressé de rentabiliser sa mise

Comme tout chef d’entreprise ambitieux, Anas Lahlou prend la décision de booster la croissance en cherchant un solide partenaire financier. L’occasion se présente avec un fonds d’investissement émirati qui venait de s’implanter au Maroc. Les discussions sont menées tambour battant et les deux parties s’associent en 2013. Cependant, la lune de miel est de courte durée. Au moment de parachever la répartition du capital, le fonds d’investissement impose un nouvel actionnaire au tour de table. Le patron de Kool Food se résout à accepter tout en prenant soin de ramener, lui aussi, un partenaire étranger pour rééquilibrer les forces. Le capital est alors réparti entre Anas Lahlou et le Fonds d’investissement qui prennent chacun 40%. Les 20 % restants reviennent aux minoritaires.

A l’instar de beaucoup de fonds d’investissement, le partenaire émirati veut rentabiliser très vite sa mise et impose, dès 2014, le transfert de l’usine, alors installée à Ain Sebaa, au Parc Industriel 10 Rajeb à Lissasfa sur un site de 13 000 m2. L’objectif était d’accroitre la production pour couvrir un marché plus large. Le fonds d’investissement avait omis qu’il n’était pas facile de déménager du jour au lendemain une société de plus de 250 personnes sur un site distant de 30 km du siège d’origine. Cette erreur de management coûte cher à l’entreprise qui aura du mal à se relever après un arrêt de la production qui a duré six mois au moins.

 

L’accompagnement salvateur du groupe français Corin

Les pertes s’accumulent, les fonds propres fondent. Le Fonds d’investissement refuse pourtant d’abonder sa participation comme promis. De fil en aiguille, Kool Food se décide à solliciter un crédit d’environ 15 MDH auprès de la BCP avec la garantie de la Caisse Centrale de Garantie (CCG). L’accord de principe est donné, mais l’associé de référence oppose un nouveau refus à cet emprunt, pourtant crucial pour honorer un carnet de commande bien garni de plus de 80 MDH.

Le conflit s’enlise, les dettes fournisseurs et bancaires s’accumulent pour atteindre plus de 200 MDH. En 2016, Anas Lahlou, en sa qualité de gérant, sollicite la protection du Tribunal de Commerce de Casablanca. Dans la foulée, le juge prononce le Redressement Judiciaire et nomme un syndic. Ce coup de poker est d’autant plus réussi que le patron de Kool Food avait trouvé un nouveau partenaire, en l’occurrence le Groupe français Corin, spécialisé dans la gestion immobilière, la distribution de matériels de bricolage et l’avitaillement, qui avait accepté de participer à la relance de l’entreprise.

Le Groupe Corin, à travers sa filiale Cofrapex, rachète les participations du fonds d’investissement et, avec la sortie des deux minoritaires, se partage le capital avec Anas Lahlou. Mieux encore, le groupe français renfloue les comptes courants d’associées (CCA) et monte avec Anas Lahlou dans un Plan d’Investissement ambitieux. L’entreprise redémarre sur de nouvelles bases.

 

L’essentiel de la dette bancaire est réglé

Depuis, l’activité est sur une tendance haussière et le chiffre d’affaires ne cesse d’augmenter. « Oui, nous avons passé des moments très difficiles, mais nous avons appris beaucoup de choses et, en tant qu’industriel, nous sommes persuadés qu’un redressement judiciaire ne signifie pas la fermeture d’une entreprise », raconte Anas Lahlou. Et de poursuivre, « nous avons réussi à remettre l’entreprise sur les rails grâce au soutien de nos créanciers, du tribunal de commerce qui a pris les bonnes décisions au moment le plus difficile, du syndic et de nos conseils juridique et financier ». Autrement dit, la mise en œuvre d’un plan de continuation d’une entreprise en difficulté est un travail d’équipe, qui nécessite écoute entre les différentes parties prenantes, patience dans les négociations, abnégation de l’équipe dirigeante de l’entreprise et adhésion des collaborateurs au projet de relance.

Aujourd’hui, plus de 92% des dettes sont remboursées et la trésorerie est même positive. Kool Food entre dans une nouvelle étape avec la sortie amicale du partenaire français. Détenteur de 100% du capital à travers sa holding familiale qu’il préside, Anas Lahlou entrevoit l’avenir avec optimisme, malgré deux exercices moins flamboyants à cause de la longue et très difficile crise sanitaire. « Suite à la fermeture des écoles et à la hausse vertigineuse du coût de transport et des matières premières, les ménages ont changé leur mode de consommation, ce qui a pesé sur le budget des enfants qui constituent notre cœur de cible. Néanmoins, nous essayons de maintenir nos prix, quitte à réduire nos marges », explique-il.

Un plan d’investissement de 200 MDH en préparation

Pour maintenir la croissance, Kool Food prépare un nouveau plan d’investissement 2022-2027 de plus de 200 MDH, en partenariat avec plusieurs partenaires, dont un industriel international de référence, un des « top five » spécialisé dans la le chocolat au niveau du B to B, dont le nom est pour l’instant gardé secret. Nous savons cependant que la lettre d’intention est déjà signée.

Prochaine étape, Kool Food ambitionne d’exporter ses produits en Europe, en Amérique du Nord et en Afrique. Mais ce sera après la finalisation de sonprogramme de certification HACCP et Iso 22 000. « Nos produits respectent scrupuleusement toutes les normes sanitaires et de sécurité alimentaire, mais la certification est un gage supplémentaire de qualité », explique le patron de l’entreprise, le regard tourné vers un futur plus radieux.

Bilal Sghir